Willy Ronis
- Sharlie Evans
- 28 mars 2018
- 3 min de lecture
Willy Ronis est un photographe français emblématique de l’après-guerre. De son vivant, il était l’un des noms marquants de sa discipline, alternant photographie d’actualité engagée et travaux plus artistiques, tels des nus et autres photos de mode. Il est un des représentant du courant artistique de la photographie humaniste, un style typiquement français et reconnu partout à travers le monde.
Le monde du travail est un sujet récurrent tout au long de la carrière deWilly Ronis. Son empathie pour des ouvriers des diverses usines qu’il visite, la cohabitation de l’homme et la machine, les formes austères d’un monde industriel en expansion confèrent une esthétique poétique particulière.

Usine Lorraine-Escaut, Sedan, 1959 – ©Willy Ronis
Willy Ronis explique comment fut prise cette photo : ” J’avais équipé mon appareil d’un téléobjectif moyen (90 mm) pour rapprocher un peu l’arrière-plan, et je forme des vœux pour que quelqu’un franchisse ce mini-pont de fortune (…) Et le miracle souhaité se produit. Je dois courir pour me remettre à la bonne place et, dans l’urgence à libérer le déclic au moment optimum, mon cadrage est un peu basculé. J’ai pris soin de déclencher à l’instant où les deux pieds de la fillette sont au contact du sol. “

Fondamenta nuove, Venise (Italie), 1959 ©Willy Ronis
Au cours d’une de ses balades dans Paris, Willy Ronis monte au sommet de la colonne de Juillet. Après avoir pris quelques photos, il aperçoit un couple contemplant les toits de Paris, qui lui tourne le dos. Il prend vite une photo, en catimini, puis redescend. Plus tard, la photo sera beaucoup publiée, dans des magazines, des livres, en cartes postales, en posters, en puzzles. Willy Ronis, qui a l’habitude de recevoir des lettres de gens qui se reconnaissent sur ses photos, s’étonne que personne ne se manifeste. Il s’agit certainement d’un couple d’étrangers en visite à Paris, qui ignore totalement l’existence de cette photo…. Le couple, Riton et Marinette, il le retrouvera en 1988, dans leur bistrot du quartier de la Bastille dans lequel ils avaient placé cette photo encadrée.

Les amoureux de la Colonne-Bastille, Paris, 1957 – ©Willy Ronis
Cette photo a été faite pour un reportage ” Revoir Paris “, qui devait mettre en avant des particularités de Paris dont notamment le fameux long pain parisien. Il fallait donc trouver une illustration de cette particularité parisienne. Willy Ronis est aller ” rôder ” autour d’une boulangerie de son quartier. Dans la queue il a repéré ce petit garçon avec sa grand mère qui attendait son tour. Son allure et sa frimousse ont séduit le photographe qui a demandé à la grand mère si il pouvait le photographier quand il sortira avec son pain, ce qu’elle a accepté sans difficulté. Willy Ronis s’est positionné et quand le gamin est sorti avec sa baguette sous le bras il lui a demandé de courir (il a fait sa ” course ” à 3 reprises) et il a fait cette photo magnifique.
Il s’agit donc d’une « mise en scène », il ne s’agit pas comme on pourrait le croire d’un instantané pris au détour d’une rue. Mais peu importe, cela n’enlève rien à cette très belle photo et c’est aussi le talent du photographe que de provoquer la situation qui lui permettra de transmettre sa vision.

Le petit parisien, Paris, 1952 – ©Willy Ronis
Willy Ronis a toujours eu beaucoup d’admiration et de respect pour le corps féminin. Il le connait, le parcourt, l’exalte et le traite avec pudeur et retenue. Avec beaucoup de réalisme et de sensualité, il cueillait un moment d’abandon discret. Les femmes de Ronis sont belles parce qu’il les laisse être. Il les aime pour ce qu’elles sont, il photographie les femmes nues dans un silence qui fait parler. Dans le calme, l’intimité, la tendresse et la sérénité. Les nus de Ronis, dans leur extraordinaire naturel, deviennent sacrés, des déesses toutes simples de passage dans le vingtième siècle. Ses nus sont des partitions musicales, lui qui voulait être musicien, il l’est avec le cadrage, la lumière, les ombres, les attitudes, les gestes, ses photographies sont mélodieuses. Des scènes humbles, d’une pudeur délicate, sans grivoiserie, imprégnée d’un bonheur simple et doux, illustrant parfaitement l’approche humaine, respectueuse et bienveillante qui caractérise l’œuvre de Willy Ronis.

Deena de dos, Sceaux, 1955 – ©Willy Ronis
Il travaille sans trépied, à main levée, pour mieux saisir son sujet, choisir précisément son cadrage, et aussi être prêt à capturer l’immédiateté. Il joue sur un double registre, l’émotion et la réflexion. Car l’émotion brute ne l’intéresse pas, elle doit « se couler dans une forme qui tienne debout ». La composition est donc fondamentale, ainsi que l’équilibre des valeurs, des rapports entre ombres et lumières. Il est obsédé par le rythme ternaire, et l’écho dans le temps : le nombre 3 pose sa composition et l’équilibre autour d’un pivot central, et en écho les situations qui se répètent, photographiées de façon répétitive, inconsciemment.
Sur le fil du hasard, L’Isle sur la Sorgue, 1979 – ©Willy Ronis
En savoir plus sur Willy Ronis : Arago
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